Incontrôlables

France - 18 Février 2020

Travail salarié et Capital

Qu'est-ce que le salaire? Comment est-il déterminé ? §

Si l'on demandait à des ouvriers : « À combien s'élève votre salaire? », ils répondraient: l'un: « Je reçois de mon patron 1 mark pour une journée de travail », l'autre: « Je reçois 2 marks », etc. Suivant les diverses branches de travail auxquelles ils appartiennent, ils énuméreraient les diverses sommes d'argent qu'ils reçoivent de leurs patrons respectifs pour la production d'un travail déterminé, par exemple pour le tissage d'une aune de toile ou pour la composition d'une page d'imprimerie. Malgré la diversité de leurs déclarations, ils seront tous unanimes sur un point: le salaire est la somme d'argent que le capitaliste paie, pour un temps de travail déterminé ou pour la fourniture d'un travail déterminé.

Le capitaliste achète donc (semble-t-il) leur travail avec de l'argent. C'est pour de l'argent qu'ils lui vendent leur travail. Mais il n'en est ainsi qu'apparemment. Ce qu'ils vendent en réalité au capitaliste pour de l'argent, c'est leur force de travail. Le capitaliste achète cette force de travail pour un jour, une semaine, un mois, etc. Et, une fois qu'il l'a achetée, il l'utilise en faisant travailler l'ouvrier pendant le temps stipulé. Pour cette même somme d'argent avec laquelle le capitaliste a acheté sa force de travail, par exemple pour 2 marks, il aurait pu acheter deux livres de sucre ou une quantité déterminée d'une autre marchandise quelconque. Les 2 marks avec lesquels il a acheté deux livres de sucre sont le prix de deux livres de sucre. Les 2 marks avec lesquels il a acheté douze heures d'utilisation de la force de travail sont le prix des douze heures de travail. La force de travail est donc une marchandise, ni plus, ni moins que le sucre. On mesure la première avec la montre et la seconde avec la balance.

Leur marchandise, la force de travail, les ouvriers l'échangent contre la marchandise du capitaliste, contre l'argent, et, en vérité, cet échange a lieu d'après un rapport déterminé. Tant d'argent pour tant de durée d'utilisation de la force de travail. Pour douze heures de tissage, 2 marks. Et ces 2 marks ne représentent-ils pas toutes les autres marchandises que je puis acheter pour 2 marks? L'ouvrier a donc bien échangé une marchandise, la force de travail, contre des marchandises de toutes sortes, et cela suivant un rapport déterminé. En lui donnant 2 marks, le capitaliste lui a donné tant de viande, tant de vêtements, tant de bois, de lumière, etc., en échange de sa journée de travail. Ces 2 marks expriment donc le rapport suivant lequel la force de travail est échangée contre d'autres marchandises, la valeur d'échange de la force de travail. La valeur d'échange d'une marchandise, évaluée en argent, c'est précisément ce qu'on appelle son prix. Le salaire n'est donc que le nom particulier donné au prix de la force de travail appelé d'ordinaire prix du travail, il n'est que le nom donné au prix de cette marchandise particulière qui n'est en réserve que dans la chair et le sang de l'homme.

Prenons le premier ouvrier venu, par exemple, un tisserand. Le capitaliste lui fournit le métier à tisser et le fil. Le tisserand se met au travail et le fil devient de la toile. Le capitaliste s'approprie la toile et la vend 20 marks par exemple. Le salaire du tisserand est-il alors une part de la toile, des 20 marks, du produit de son travail? Pas du tout. Le tisserand a reçu son salaire bien avant que la toile ait été vendue et peut-être bien avant qu'elle ait été tissée. Le capitaliste ne paie donc pas ce salaire avec l'argent qu'il va retirer de la toile, mais avec de l'argent accumulé d'avance. De même que le métier à tisser et le fil ne sont pas le produit du tisserand auquel ils ont été fournis par l'employeur, les marchandises qu'il reçoit en échange de sa marchandise, la force de travail ne le sont pas davantage. Il peut arriver que le capitaliste ne trouve pas d'acheteur du tout pour sa toile. Il peut arriver qu'il ne retire pas même le salaire de sa vente. Il peut arriver qu'il la vende de façon très avantageuse par rapport au salaire du tisserand. Tout cela ne regarde en rien le tisserand. Le capitaliste achète avec une partie de sa fortune actuelle, de son capital, la force de travail du tisserand tout comme il a acquis, avec une autre partie de sa fortune, la matière première, le fil, et l'instrument de travail, le métier à tisser. Après avoir fait ces achats, et parmi ces achats il y a aussi la force de travail nécessaire à la production de la toile, il ne produit plus qu'avec des matières premières et des instruments de travail qui lui appartiennent à lui seul. Car, de ces derniers fait aussi partie notre brave tisserand qui, pas plus que le métier à tisser, n'a sa part du produit ou du prix de celui-ci.

Le salaire n'est donc pas une part de l'ouvrier à la marchandise qu'il produit. Le salaire est la partie de marchandises déjà existantes avec laquelle le capitaliste s'approprie par achat une quantité déterminée de force de travail productive.

La force de travail est donc une marchandise que son possesseur, le salarié, vend au capital. Pourquoi la vend-il ? Pour vivre.

Mais la manifestation de la force de travail, le travail, est l'activité vitale propre à l'ouvrier, sa façon à lui de manifester sa vie. Et c'est cette activité vitale qu'il vend à un tiers pour s'assurer les moyens de subsistance nécessaires. Son activité vitale n'est donc pour lui qu'un moyen de pouvoir exister. Il travaille pour vivre. Pour lui-même, le travail n'est pas une partie de sa vie, il est plutôt un sacrifice de sa vie. C'est une marchandise qu'il a adjugée à un tiers. C'est pourquoi le produit de son activité n'est pas non plus le but de son activité. Ce qu'il produit pour lui-même, ce n'est pas la soie qu'il tisse, ce n'est pas l'or qu'il extrait du puits, ce n'est pas le palais qu'il bâtit. Ce qu'il produit pour lui-même, c'est le salaire, et la soie, l'or, le palais se réduisent pour lui à une quantité déterminée de moyens de subsistance, peut-être à un tricot de coton, à de la monnaie de billon et à un logement dans une cave. Et l'ouvrier qui, douze heures durant, tisse, file, perce, tourne, bâtit, manie la pelle, taille la pierre, la transporte, etc., regarde-t-il ces douze heures de tissage, de filage, de perçage, de travail au tour ou de maçonnerie, de maniement de la pelle ou de taille de la pierre comme une manifestation de sa vie, comme sa vie? Bien au contraire. La vie commence pour lui où cesse activité, à table, à l'auberge, au lit. Par contre, les douze heures de travail n'ont nullement pour lui le sens de tisser, de filer, de percer, etc., mais celui de gagner ce qui lui permet d'aller à table, à l'auberge, au lit. Si le ver à soie tissait pour subvenir à son existence de chenille, il serait un salarié achevé.

La force de travail ne fut pas toujours une marchandise. Le travail ne fut pas toujours du travail salarié, c'est-à-dire du travail libre. L'esclave ne vendait pas sa force de travail au possesseur d'esclaves, pas plus que le bœuf ne vend le produit de son travail au paysan. L'esclave est vendu, y compris sa force de travail, une fois pour toutes à son propriétaire. Il est une marchandise qui peut passer de la main d'un propriétaire dans celle d'un autre. Il est lui-même une marchandise, mais sa force de travail n'est pas sa marchandise. Le serf ne vend qu'une partie de sa force de travail. Ce n'est pas lui qui reçoit un salaire du propriétaire de la terre; c'est plutôt le propriétaire de la terre à qui il paie tribut. Le serf appartient à la terre et constitue un rapport pour le maître de la terre. L'ouvrier libre, par contre, se vend lui-même, et cela morceau par morceau. Il vend aux enchères 8, 10, 12, 15 heures de sa vie, jour après jour, aux plus offrants, aux possesseurs des matières premières, des instruments de travail et des moyens de subsistance, c'est-à-dire aux capitalistes. L'ouvrier n'appartient ni à un propriétaire ni à la terre, mais 8, 10, 12, 15 heures de sa vie quotidienne appartiennent à celui qui les achète. L'ouvrier quitte le capitaliste auquel il se loue aussi souvent qu'il veut, et le capitaliste le congédie aussi souvent qu'il le croit bon, dès qu'il n'en tire aucun profit ou qu'il n'y trouve plus le profit escompté. Mais l'ouvrier dont la seule ressource est la vente de sa force de travail ne peut quitter la classe tout entière des acheteurs, c'est-à-dire la classe capitaliste, sans renoncer à l'existence. Il n'appartient pas à tel ou tel employeur, mais à la classe capitaliste, et c'est à lui à y trouver son homme, c'est-à-dire à trouver un acheteur dans cette classe bourgeoise.

Avant de pénétrer plus avant dans les rapports entre le capital et le travail salarié, nous allons maintenant exposer brièvement les conditions les plus générales qui entrent en ligne de compte dans la détermination du salaire.

Le salaire est, ainsi que nous l'avons vu, le prix d'une marchandise déterminée, la force de travail. Le salaire est donc déterminé par les mêmes lois qui déterminent le prix de toute autre marchandise. La question qui se pose est donc celle-ci: comment se détermine le prix d'une marchandise ?

Qu'est-ce ce qui détermine le prix d'une marchandise ? §

C'est la concurrence entre les acheteurs et les vendeurs, le rapport entre l'offre et la demande. La concurrence qui détermine le prix d'une marchandise est triple.

La même marchandise est offerte par divers vendeurs. Celui qui vend le meilleur marché des marchandises de même qualité est sûr d'évincer les autres vendeurs et de s'assurer le plus grand débit. Les vendeurs se disputent donc réciproquement l'écoulement des marchandises, le marché. Chacun d'eux veut vendre, vendre le plus possible, et vendre seul si possible, à l'exclusion des autres vendeurs. C'est pourquoi l'un vend meilleur marché que l'autre. Il s'établit, par conséquent, une concurrence entre les vendeurs qui abaisse le prix des marchandises offertes par eux.

Mais il se produit aussi une concurrence entre les acheteurs qui, de son côté, fait monter le prix des marchandises offertes.

Il existe enfin une concurrence entre les acheteurs et les vendeurs; les uns voulant acheter le meilleur marché possible, les autres voulant vendre le plus cher possible. Le résultat de cette concurrence entre acheteurs et vendeurs dépendra de la façon dont se comporteront les deux côtés de la concurrence mentionnés plus haut, c'est-à-dire du fait que c'est la concurrence dans l'armée des acheteurs ou la concurrence dans l'armée des vendeurs qui sera la plus forte. L'industrie met en campagne deux groupes d'armées l'une en face de l'autre dont chacune à son tour livre une bataille dans ses propres rangs entre ses propres troupes. Le groupe d'armées parmi les troupes duquel il y a le moins d'échange de coups remporte la victoire sur l'armée adverse.

Supposons qu'il y ait 100 balles de coton sur le marché et, en même temps, des acheteurs pour 1 000 balles de coton. Dans ce cas, la demande est dix fois plus grande que l'offre. La concurrence entre les acheteurs sera par conséquent très forte, chacun de ceux-ci veut s'approprier une, et si possible, l'ensemble des 100 balles. Cet exemple n'est pas une hypothèse arbitraire. Nous avons vécu dans l'histoire du commerce des périodes de mauvaise récolte du coton où quelques capitalistes coalisés entre eux ont cherché à acheter non pas 100 balles, mais tous les stocks de coton du monde entier. Dans le cas donné, un acheteur cherchera donc à évincer l'autre du marché en offrant un prix relativement plus élevé pour la balle de coton. Les vendeurs de coton qui aperçoivent les troupes de l'armée ennemie en train de se livrer entre elles le combat le plus violent et qui sont absolument assurés de vendre entièrement leurs 100 balles vont se garder de se prendre les uns les autres aux cheveux pour abaisser le prix du coton, à un moment où leurs adversaires rivalisent entre eux pour le faire monter. Voilà donc la paix survenue soudain dans l'armée des vendeurs. Ils sont comme un seul homme, face aux acheteurs, ils se croisent philosophiquement les bras et leurs exigences ne connaîtraient pas de bornes si les offres de ceux mêmes qui sont le plus pressés d'acheter n'avaient pas leurs limites bien déterminées.

Si donc l'offre d'une marchandise est plus faible que la demande de cette marchandise, il n'y a pas du tout ou presque pas de concurrence parmi les vendeurs. La concurrence parmi les acheteurs croît dans la proportion même où diminue cette concurrence. Résultat: hausse plus ou moins importante des prix de la marchandise.

On sait que le cas contraire avec son résultat inverse est beaucoup plus fréquent. Excédent considérable de l'offre sur la demande: concurrence désespérée parmi les vendeurs; manque d'acheteurs: vente à vil prix des marchandises.

Mais que signifie hausse, chute des prix, que signifie prix élevé, bas prix? Un grain de sable est grand, regardé à travers un microscope, et une tour est petite, comparée à une montagne. Et si le prix est déterminé par le rapport entre l'offre et la demande, qu'est-ce qui détermine le rapport de l'offre et de la demande?

Adressons-nous au premier bourgeois venu. Il n'hésitera pas un instant et, tel un nouvel Alexandre le Grand, il tranchera d'un seul coup ce nœud gordien métaphysique à l'aide du calcul élémentaire. Si la production de la marchandise que je vends m'a coûté 100 marks, nous dira-t-il, et si je retire de la vente de cette marchandise 110 marks - au bout d'un an, entendons-nous - c'est un gain civil, honnête, convenable. Mais si j'obtiens en échange 120, 130 marks, c'est alors un gain élevé; et si j'en tirais 200 marks, ce serait alors un gain exceptionnel, énorme. Qu'est-ce qui sert donc au bourgeois à mesurer son gain? Les frais de production de sa marchandise. S'il reçoit en échange de cette marchandise une somme d'au-tres marchandises dont la production a moins coûté, il a fait une perte. S'il reçoit en échange de sa marchandise une somme de marchandises dont la production a coûté davantage, il a réalisé un gain. Et cette baisse ou cette hausse du gain, il la calcule suivant les proportions dans lesquelles la valeur d'échange de sa marchandise se tient au-dessous ou au-dessus de zéro, c'est-à-dire des frais de production.

Mais nous avons vu comment les rapports variables entre l'offre et la demande provoquent tantôt la hausse, tantôt la baisse, entraînant tantôt des prix élevés, tantôt des prix bas.

Si le prix d'une marchandise monte considérablement par suite d'une offre insuffisante ou d'une demande qui croît démesurément, le prix d'une autre marchandise quelconque a baissé nécessairement en proportion; car le prix d'une marchandise ne fait qu'exprimer en argent les rapports d'après lesquels de tierces marchandises sont échangées contre elle. Si, par exemple, le prix d'une aune d'étoffe de soie monte de 5 à 6 marks, le prix de l'argent a baissé relativement à l'étoffe de soie et le prix de toutes les autres marchandises qui sont restées à leur ancien prix a baissé de même par rapport à l'étoffe de soie. Il faut en donner une plus grande quantité en échange pour recevoir la même quantité d'étoffe de soie.

Quelle sera la conséquence du prix croissant d'une marchandise? Les capitaux se jetteront en masse sur la branche d'industrie florissante et cette immigration des capitaux dans le domaine de l'industrie favorisée persistera jusqu'à ce que celle-ci rapporte les gains habituels ou plutôt jusqu'au moment où le prix de ses produits descendra par suite de surproduction au-dessous des frais de production.

Inversement. Si le prix d'une marchandise tombe au-dessous des frais de production, les capitaux se retireront de la production de cette marchandise. Si l'on excepte le cas où une branche de production n'étant plus d'époque ne peut moins faire que de disparaître, la production de cette marchandise, c'est-à-dire son offre, va diminuer par suite de cette fuite des capitaux jusqu'à ce qu'elle corresponde à la demande, par conséquent, jusqu'à ce que son prix se relève à nouveau au niveau de ses frais de production ou plutôt jusqu'à ce que l'offre soit tombée au-dessous de la demande, c'est-à-dire jusqu'à ce que son prix se relève au-dessus de ses frais de production, car le prix courant d'une marchandise est toujours au-dessous ou au-dessus de ses frais de production.

Nous voyons que les capitaux émigrent et immigrent constamment, passant du domaine d'une industrie dans celui d'une autre, un prix élevé provoquant une trop forte immigration et un prix bas une trop forte émigration.

Nous pourrions montrer d'un autre point de vue que non seulement l'offre, mais aussi la demande est déterminée par les frais de production. Mais cela nous entraînerait trop loin de notre sujet.

Nous venons de voir que les oscillations de l'offre et de la demande ramènent toujours à nouveau le prix d'une marchandise à ses frais de production. Le prix réel d'une marchandise est certes toujours au-dessus ou au-dessous de ses frais de production; mais la hausse et la baisse se complètent mutuellement, de sorte que, dans les limites d'une période de temps déterminée, si l'on fait le total du flux et du reflux de l'industrie, les marchandises sont échangées entre elles conformément à leurs frais de production, c'est-à-dire que leur prix est déterminé par leurs frais de production.

Cette détermination du prix par les frais de production ne doit pas être com-prise dans le sens des économistes. Les économistes disent que le prix moyen des marchandises est égal aux frais de production; que telle est la loi. Ils considèrent comme un fait du hasard le mouvement anarchique par lequel la hausse est compensée par la baisse et la baisse par la hausse. On pourrait considérer avec autant de raison, comme cela est arrivé d'ailleurs à d'autres économistes, les oscillations comme étant la loi et la détermination par les frais de production comme étant le fait du hasard. Mais ce sont ces oscillations seules qui, regardées de plus près, entraînent les dévastations les plus terribles et, pareilles à des tremblements de terre, ébranlent la société bourgeoise jusque dans ses fondements, ce sont ces oscillations seules qui, au fur et à mesure qu'elles se produisent, déterminent le prix par les frais de production. C'est l'ensemble du mouvement de ce désordre qui est son ordre même. C'est au cours de cette anarchie industrielle, c'est dans ce mouvement en rond que la concurrence compense pour ainsi dire une extravagance par l'autre.

Nous voyons donc ceci: le prix d'une marchandise est déterminé par ses frais de production de telle façon que les moments où le prix de cette marchandise monte au-dessus de ses frais de production sont compensés par les moments où il s'abaisse au-dessous des frais de production, et inversement. Naturellement, cela n'est pas vrai pour un seul produit donné d'une industrie, mais seulement pour toute la branche industrielle. Cela n'est donc pas vrai non plus pour un industriel pris isolément, mais seulement pour toute la classe des industriels.

La détermination du prix par les frais de production est identique à la détermination du prix par le temps de travail qui est nécessaire à la production d'une marchandise, car les frais de production se composent 1º de matières premières et de l'usure d'instruments, c'est-à-dire de Produits industriels dont la production a coûté un certain nombre de journées de travail, et qui représentent par conséquent une certaine somme de temps de travail et 2º de travail immédiat dont la mesure est précisément le temps.

Or, ces mêmes lois générales qui règlent le prix des marchandises en général, règlent naturellement aussi le salaire, le prix du travail.

Le salaire du travail va tantôt monter, tantôt baisser, suivant les rapports entre l'offre et la demande, suivant la forme que prend la concurrence entre les acheteurs de la force de travail, les capitalistes, et les vendeurs de la force de travail, les ouvriers. Aux fluctuations des prix des marchandises en général correspondent les fluctuations du salaire. Mais dans les limites de ces fluctuations, le prix du travail sera déterminé par les frais de production, par le temps de travail qui est nécessaire pour produire cette marchandise, la force de travail.

Or, quels sont les frais de production de la force de travail elle-même?

Ce sont les frais qui sont nécessaires pour conserver l'ouvrier en tant qu'ouvrier et pour en faire un ouvrier.

Aussi, moins un travail exige de temps de formation professionnelle, moins les frais de production de l'ouvrier sont grands et plus le prix de son travail, son salaire, est bas. Dans les branches d'industrie où l'on n'exige presque pas d'apprentissage et où la simple existence matérielle de l'ouvrier suffit, les frais de production qui sont nécessaires à ce dernier se bornent presque uniquement aux marchandises indispensables à l'entretien de sa vie de manière à lui conserver sa capacité de travail. C'est pourquoi le prix de son travail sera déterminé par le prix des moyens de subsistance nécessaires.

Cependant, il s'y ajoute encore une autre considération. Le fabricant, qui calcule ses frais de production et d'après ceux-ci le prix des produits, fait entrer en ligne de compte l'usure des instruments de travail. Si une machine lui coûte par exemple 1 000 marks et qu'il l'use en dix ans, il ajoute chaque année 100 marks au prix de la marchandise pour pouvoir remplacer au bout de dix ans la machine usée par une neuve. Il faut comprendre de la même manière, dans les frais de production de la force de travail simple, les frais de reproduction grâce auxquels l'espèce ouvrière est mise en état de s'accroître et de remplacer les ouvriers usés par de nouveaux. L'usure de l'ouvrier est donc portée en compte de la même façon que l'usure de la machine.

Les frais de production de la force de travail simple se composent donc des frais d'existence et de reproduction de l'ouvrier. Le prix de ces frais d'existence et de reproduction constitue le salaire. Le salaire ainsi déterminé s'appelle le minimum de salaire. Ce minimum de salaire, tout comme la détermination du prix des marchandises par les frais de production en général, joue pour l'espèce et non pour l'individu pris isolément. Il y a des ouvriers qui, par millions, ne reçoivent pas assez pour pouvoir exister et se reproduire; mais le salaire de la classe ouvrière tout entière est, dans les limites de ses oscillations, égal à ce minimum.

Maintenant que nous avons fait la clarté sur les lois les plus générales qui régissent le salaire ainsi que le prix de toute autre marchandise, nous pouvons entrer plus avant dans notre sujet.